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Quantification des émissions d'aérosols terrigènes en fonction de l'usage des sols : exemple du sud tunisien

 



L’objectif de ce projet était le développement et la validation d'un modèle d’érosion éolienne physiquement explicite permettant de quantifier les émissions d'aérosols terrigènes en fonction du type d’usage des sols de sorte que la contribution anthropique au contenu atmosphérique en aérosols terrigènes puisse être quantifiée.

 


Principaux résultats :
Au cours de la première phase du projet, 6 parcelles ont été instrumentées pour suivre l’évolution de l’érosion éolienne tout au long de l’année dans différentes zones représentatives des principaux types d’usage des sols que l’on peut rencontrer dans le sud de la Tunisie : les parcours sur sable, les parcours sur pénéplaines et plateaux, les oliveraies, les Chotts, la céréaliculture et les oasis. Ces mesures (Fig. 1) ont montré que l’érosion éolienne était très intense dans les zones de parcours (jusqu’à plus de 700 kg m-1 mois-1 en janvier dans les parcours sur sable). Au contraire, l’érosion éolienne était nulle dans l’oasis, ce qui valide l’hypothèse faite dans le modèle où l’on considère que les oasis sont non érodables, et très faible dans les oliveraies (moins de 10 kg m-1 mois-1 quel que soit le mois considéré). Enfin, l’érosion éolienne dans le champ de céréales (orge) a été considérablement réduite par le développement de l’orge (de 265 kg m-1 mois-1 en janvier à près de 0 en avril) qui se produit pendant la période de l’année où les vents sont les plus forts (fin de l’hiver – début du printemps) ; l’érosion éolienne est de nouveau active dès lors que le champ a été totalement nettoyé à la suite de la récolte.


La deuxième phase du projet visait à intégrer au modèle d’érosion éolienne développé au LISA  par Marticorena et Bergametti (1995) (Dust Production Model – DPM) (i) la paramétrisation de Fécan et al. (1999) pour prendre en compte l’impact de l’humidité du sol sur le seuil d’érosion éolienne et (ii) les paramétrisations développées par Kardous et al. (2005a ; b) pour prendre en compte l’impact du labour sur l’érosion éolienne. En parallèle, le calcul du flux d’érosion éolienne en fonction de l’usage des sols a également été mis en œuvre. La simulation a été réalisée pour les années 2013 et 2014 à la résolution horizontale de 0,1°×0,1° en utilisant les champs de forçage météorologiques issus du CEPMMT (prévisions à T0) et la base de données d’états de surface produite par Labiadh (2011) pour les 4 gouvernorats du sud de la Tunisie.


La simulation réalisée en utilisant cette configuration du DPM conduit à une nette sous-estimation des flux d’érosion éolienne calculé. Nous avons montré que cette sous-estimation des flux d’érosion éolienne par le modèle était due à une surestimation de l’humidité du sol calculée par le modèle de surface du CEPMMT. Xi et Sokolik (2015) avaient déjà été confrontés à ce problème : l’utilisation de la paramétrisation de Fécan et al. (1999) dans le modèle WRF-Chem-DuMo incluant le schéma de surface Noah supprime totalement les émissions d’aérosols terrigènes dans leur simulation régionale. Ceci suggère que la paramétrisation semi-empirique de Fécan et al. (1999) ne peut pas être utilisée à l’échelle régionale car la couche superficielle des modèles de surface (quelques cm) est encore trop épaisse comparée à l’épaisseur de la couche de sol impactée par l’érosion éolienne (quelques mm). Dans la suite du projet, il a donc été décidé de calculer les flux d’érosion éolienne sans prendre en compte l’impact de l’humidité de la surface du sol.


Les résultats du modèle montrent que l’érosion éolienne est active sur l’ensemble du sud de la Tunisie à l’exception des régions montagneuses (Fig. 2). Dans la simulation, l’érosion éolienne se produit principalement dans les zones de parcours (pour l’année 2013: environ 6,7×106 kg m-1 vs. 1,4×105 kg m-1 pour les zones cultivées), qui est le type d’usage dominant dans le modèle pour la région simulée. Le cycle annuel simulé pour l’érosion éolienne, avec 70% des flux simulés entre mars et juin et des minima observés en été (juillet, août, septembre) et en hiver (novembre, décembre, janvier), est en accord avec la littérature (e.g., Prospero et al., 2002) et les mesures réalisées au cours du projet. En termes d’intensité, les flux d’érosion éolienne calculés sont nettement sous-estimés dans les parcours sur pénéplaines et plateaux à cause d’une sous-estimation de l’intensité du vent de surface. Au contraire, les flux d’érosion éolienne calculés dans le Chott sont surestimés, ce qui peut s’expliquer par le fait que le modèle ne prend pas en compte l’inhibition de l’érosion éolienne causée par les inondations du Chott. L’érosion éolienne calculée dans les oliveraies est du même ordre de grandeur que celle mesurée.

 


 

Figure 1 : Flux d’érosion éolienne (en moyenne mensuelle sur les années 2013-2015) mesuré dans les 6 parcelles installées dans différentes zones représentatives des principaux types d’usage des sols rencontrés dans le sud de la Tunisie : les parcours sur sable (jaune), les parcours sur Pénéplaines et Plateaux (PP – orange), les oliveraies (gris), les Chotts (bleu), la céréaliculture (violet) et les oasis (vert).
 

 

 


Figure 2 : Flux d’érosion éolienne annuel calculé pour l’année 2013 sur le sud de la Tunisie.

 

 

Contact LISA : C. Bouet (PI)


Support : Projet INSU LEFE action CHAT (janvier 2014 – décembre 2015)


Partenaires :
•    iEES Paris – Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris, SU/CNRS/INRA/IRD/UPD/UPEC
•    IRA – Institut des Régions Arides de Médenine, Benguerdane et Kébili (Tunisie)
•    LISA – Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques, CNRS/UPD/UPEC