EXPOSE

EXPOSE est un équipement dédié à l'exobiologie, développé par l'ESA pour des vols à moyen et long terme et installé à l'extérieur de la Station Spatiale Internationale (ISS) (Figure 1). Il est conçu pour permettre plusieurs expériences simultanées consistant en l'exposition d'échantillons chimiques et biologiques, tout en enregistrant la température et la durée effective d'exposition. Le LISA est impliqué sur EXPOSE-E au travers de l'expérience PROCESS, sur EXPOSE-R au travers de l'expérience AMINO et sur EXPOSE-R2 au travers de l'expérience PSS (Photochemistry on the Space Station).

 

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 Figure 1 : En haut, EXPOSE avant son départ ; en bas, EXPOSE sur l'ISS (International Space Station)

 

La plateforme EXPOSE héberge des centaines d'échantillons de différentes natures. Dans le cas de l'expérience PSS, ils sont disposés à raison de 25 cellules par porte échantillon. L'arrangement des cellules vise à optimiser l'espace. Afin d'éviter des fuites qui mèneraient à fausser toutes les expériences en modifiant le contenu des cellules indépendamment du phénomène observé, les cellules et porte échantillons sont scellés par des jointures et des vis (Figure 2), mais sont aussi brasés (soudés). Ces mesures de prévention nécessitent une longue préparation de l'installation, et impliquent aussi une ouverture minutieuse à la fin de l'expérience.

 

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Figure 2 : une plateforme EXPOSE. Les portes échantillons ont des côtés de 86mm

 

Sur un porte échantillon, il y a deux couches de cellules : la couche supérieure, où se trouvent les cellules exposées, et la couche inférieure, où se trouvent des cellules non-exposées (Figure 3). Les deux jeux d'échantillons sont identiques, mais les cellules non-exposées vont servir d'échantillon de contrôle en vol : elles vont subir les mêmes fluctuations de température que les cellules exposées, mais ne seront pas atteintes par les rayonnements spatiaux. De même, d'autres échantillons de contrôle sont conservés en laboratoire, avec différentes conditions de température et de rayonnement.

 

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Figure 3 : organisation d'un porte échantillon pour les expériences du LISA, avec une couche de cellules exposées, et une couche de cellules non exposées. Les cellules font 9mm de diamètre, pour 12mm de profondeur

 

Lors du séjour en orbite, les cellules ne sont pas exposées sans arrêt au rayonnement solaire, à cause de l'orientation de la station spatiale. Or, pour pouvoir interpréter avec précision les résultats, nous avons besoin du temps réel d'exposition. Pour cela, des capteurs sont associés à EXPOSE dans le but de mesurer cette durée. La température est elle aussi mesurée.

 

Ces expériences d'exposition de molécules aux UV solaires sont les premières expériences de longue durée (1 à 2 ans) réalisées dans l'espace. Les échantillons de PROCESS sont retournés sur Terre en Septembre 2009, ceux d'AMINO en mars 2011, et ceux de PSS en mars 2016.

Plateforme BIOPAN

IOPAN est un dispositif d'exposition de l'ESA (European Space Agency) fixé à l'extérieur du satellite automatique russe FOTON. Composé de deux plateaux (Figure 1) dont l'un est un couvercle à déploiement, BIOPAN est fermé pendant le lancement et les opérations de retour.

 

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Figure 1 : BIOPAN avant le lancement

 

Le LISA a été présent sur BIOPAN lors de l'expérience UVolution qui a eu pour objectif d'étudier le comportement de molécules soumises aux conditions spatiales (température et rayonnement). La capsule FOTON (Figure 2) a été lancée le 14 Septembre 2007 et a séjourné pendant 12 jours à une altitude d'environ 300km sur l'orbite basse terrestre.

 

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Figure 2 : A gauche, BIOPAN après retour sur Terre, couvercle fermé.
A droite, le retour de FOTON sur Terre. On peut voir le module BIOPAN fixé à l'extérieur de la capsule.

 

 Pour UVolution, 60 échantillons ont été exposés aux UV solaires. Grâce à une configuration à double couche (Figure 3), 60 échantillons de contrôle en vol ont été placés sous les 60 cellules exposées. Ils n'ont pas été exposés aux UV solaires, mais ont subi les mêmes variations de température. D'autres échantillons ont été gardés en laboratoire en tant qu'échantillons de contrôle.

 

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Figure 3 : Schéma du porte échantillons UVolution

 

Pendant ces 12 jours de vol, les échantillons n'ont pas toujours fait face au Soleil. En fait, la capsule FOTON tournait autour de la Terre en faisant des rotations sur elle-même. Par conséquent, le flux total des UV solaires reçus au cours de l'expérience a été bien inférieur au temps de séjour en espace. Afin de pouvoir correctement interpréter les résultats, des appareils de mesure étaient présents dans la capsule, notamment pour connaître le temps réel d'exposition et les fluctuations de température (Figure 4).

 

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Figure 4 : Enregistrement de la température (°C) durant toute la durée de l'expérience UVolution. La température a varié entre -22°C et +30°C et était mesurée toutes les 10 minutes.

Etude de la photochimie en orbite terrestre

Le LISA a eu la responsabilité de plusieurs expériences de photochimie de molécules d'intérêts exobiologique et planétologique, spatialisées en orbite terrestre basse (300 à 400 km d’altitude). Leur objectif était mieux appréhender la nature et l'évolution de la matière organique et de biomarqueurs présents dans les environnements extraterrestres (notamment les comètes, Mars et Titan), lorsqu’ils sont soumis au rayonnement solaire.

 

Ces expériences ont eu lieu sur différentes plates-formes d’exposition, sous la responsabilité de l’ESA (European Space Agency), pour lesquelles il a fallu développer des cellules d’expositions adaptées aux objectifs scientifiques.

 

 

Cellules d’exposition

 

Plateforme BIOPAN

 

Plateforme EXPOSE

 

 

 

Ces systèmes ont été mis en œuvre pour les projets suivants :

 
- UVolution – BIOPAN : 14-26 Septembre 2007
- PROCESS – EXPOSE-E : Février 2008 – Août 2009
- AMINO – EXPOSE-R : Mars 2009 – Mars 2011
- PSS – EXPOSE-R2 : Juillet 2014 – Mars2016


Les trois premières expériences sont une collaboration entre le LISA, le LATMOS, le Centre de Biophysique Moléculaire d'Orléans (CBM), ANBioPhy, avec le support du CNES. L’expérience PSS est un partenariat entre le LISA, le LATMOS, le CBM, le Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (LAB), l'Institut des Biomolécules Max Mousseron (IBMM), l’Observatoire de Catane, et NASA AMES, toujours avec le support du CNES. Le PI (Principal Investigator) de ces projets est Hervé COTTIN (LISA).

 

Chacune de ces expériences a conduit à la publication d’une série de publications scientifiques dans des revues à comité de lecture.

 

Notre priorité est désormais l’avancement du projet IR-COASTER (InfraRed‐Cubic Orbital Astrobiology Exposure Research) : il s’agit de mener de nouvelles campagnes d’exposition en orbite, non plus à l’extérieur de l’ISS, mais sur des cubesats (6U) qui disposeraient d’un spectromètre infrarouge pour le suivi des échantillons en orbite terrestre.

 

Les cellules d’exposition

Les expériences d'exposition d'échantillons de molécules dans l'espace nécessitent de concevoir des cellules d'exposition spécifiques.

 

CELLULES OUVERTES

 

Les cellules ouvertes sont un héritage des expériences d'exposition qui se sont déroulées en orbite terrestre dans les années 1990 et le début des années 2000.

 

Dans une cellule ouverte, la matière organique que nous cherchons à analyser est déposée sur la face intérieure de la fenêtre de la cellule sous forme solide. Cette fenêtre est en MgF2 (fluorure de magnésium), un matériau qui a une bonne transmission dans le domaine UV lointain (transparent pour les UV>115nm) difficile à simuler en laboratoire. Ces rayonnements UV vont photolyser le composé solide et des produits de dégradation volatils peuvent être formés. Ces produits gazeux sont évacués par des systèmes de ventilation vers le vide spatial. Ils ne sont donc pas analysables, mais ils n'interfèrent pas avec le composé étudié non plus. En revanche, nous pouvons réaliser une étude de cinétique de réaction photochimique en connaissant la quantité de composé disparue et le temps d'exposition aux UV solaires.

 

Il existe deux sortes de cellules ouvertes. La première, utilisée pour les projets UVolution et PROCESS, consiste en un cylindre dont une extrémité est ouverte et l'autre est la fenêtre de MgF2 (Figure 1). On vient visser cette cellule sur le support, les produits gazeux peuvent s'échapper vers l'espace. Dans la deuxième génération de cellule, utilisée pour AMINO et PSS, le hublot de MgF2 est autonome. Une fois recouvert du dépôt d'échantillon sur une face, on l'insère directement dans le porte échantillons (Figure 2).

 

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Figure 1 : Cellule ouverte composée d'un rebord cylindrique en
aluminium et d'une fenêtre en MgF2 collée sur le cylindre

 

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Figure 2 : Schémas de cellule ouverte de dernière génération

 

DEPOT DE L'ECHANTILLON DANS UNE CELLULE OUVERTE

 

Les cellules ouvertes sont préparées dans un réacteur spécialement prévu à cet effet, appelé réacteur de sublimation (Figure 3). On introduit le composé à déposer dans un four placé en face d'une série de hublots de MgF2. En faisant le vide dans le réacteur, le composé se sublime et se redépose dans tout le réacteur, notamment sur le hublot placé juste en face. Un laser couplé à une photodiode permet de mesurer la croissance de l'épaisseur du film organique à la surface de la fenêtre par interférométrie. Une fois l'épaisseur souhaitée atteinte, on peut passer à la préparation d'une autre cellule. Un système de carrousel, relié à une manivelle externe au réacteur permet d'exposer en face du four uniquement la cellule que l'on souhaite préparer. Il est ainsi possible de préparer plusieurs cellules à la suite, sans avoir à casser puis refaire le vide (opération qui peut prendre du temps) et en contrôlant l'épaisseur de tous les films.

 

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Figure 3 : Schéma du réacteur de sublimation

 

CELLULES FERMEES

 

Les cellules fermées ont été développées pour répondre spécifiquement aux besoins de nos expériences concernant l'analyse des phases gazeuses et les simulations d'atmosphère. Elles ont fait l'objet d'une phase de développement en partenariat avec la société COMAT Aerospace (Toulouse), puis d'une phase d'optimisation avec la Division des Techniques Avancées de la société Air Liquide (Grenoble). Le financement de ce développement original a été assuré par le CNES.

 

Les cellules fermées peuvent être utilisées pour étudier la photolyse d'un mélange gazeux (simulation d'une atmosphère) ou la photolyse d'une molécule solide en interaction avec une atmosphère simulée (par exemple une molécule à la surface de Mars), ou encore analyser d'éventuels produits gazeux issus de la photodissociation d'une molécule organique solide. Contrairement aux cellules ouvertes, elles ne laissent pas s'échapper les espèces gazeuses. Dans le cas de la simulation d'une atmosphère, on peut ajouter un filtre KBr sous la fenêtre de MgF2, ou la remplacer par du quartz, afin de simuler la transmission du rayonnement UV dans l'atmosphère martienne.

 

Si le concept n'a pas changé, le processus de fabrication a considérablement été modifié depuis leur première utilisation dans UVolution et PROCESS en 2007. La première génération de cellules fermées était composée de deux cylindres d'aluminium (une partie mâle et une partie femelle) qui se vissent l'un dans l'autre (Figure 4). Une fenêtre (MgF2 ou quartz) est collée à chaque extrémité de la cellule, ce qui permet l'analyse des échantillons à l'intérieur de la cellule par spectroscopie. L'étanchéité est assurée par un joint entre les deux parties. Il a été démontré que le niveau de fuite est suffisant pour ne pas perturber des expériences de courte durée comme UVolution (14 jours dans l'espace, et à peu près un mois entre la préparation des échantillons et leur analyse après le retour), mais insuffisant pour assurer des expériences de plus longue durée telles que PROCESS (18 mois) ou AMINO (24 mois). Certaines des cellules fermées utilisées pour l'expérience PROCESS sont revenue sur Terre en étant presque vides.

 

Une nouvelle génération de cellules fermées a été fabriquée pour l'expérience AMINO, par Air Liquide (Grenoble, France). Cette fois, le corps de la cellule est fait en inox, les fenêtres sont brasées, et l'étanchéité entre les deux parties des cellules est assurée par une soudure laser. Les résultats de tests de fuite (<10-10 atm.L.s-1) montrent que cette nouvelle conception est compatible avec les expériences de longue durée en orbite (perte <10% pendant 2 ans dans l'espace).

 

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Figure 4 : Schémas des nouvelles cellules fermées

 

REMPLISSAGE DES CELLULES FERMEES

 

 Une cellule de remplissage a été développée spécialement pour ces projets, à la fois pour le remplissage et la réouverture des cellules fermées. Elle est constituée essentiellement de deux parties en inox, à l'intérieur desquelles les deux demi-cellules fermées (mâle et femelle) sont montées séparément. Les deux parties de la cellule de remplissage sont ensuite ajustées et scellées avec un joint : le mélange gazeux de l'expérience peut alors y être introduit. Enfin, les deux demi-cellules fermées peuvent être vissées l'une dans l'autre, à l'aide d'une vis reliant l'intérieur à l'extérieur de la cellule de remplissage. Ainsi, le gaz est emprisonné à l'intérieur la cellule fermée. (Figure 5).

 

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Figure 5 : Conception de la cellule de remplissage

COSIMA

COSIMA (COmetary Secondary Ion MAss spectrometer) est l’un des instruments de la sonde spatiale européenne ROSETTA qui a suivi et exploré la comète 67P/Churyomov-Gerasimenko entre début août 2014 et fin septembre 2016. Il s’agit un spectromètre de masse d’ions secondaire à temps de vol (TOF-SIMS) dont l’objectif était l’analyse de la composition chimique des particules cométaires collectées dans l’atmosphère de la comète. Le LISA a collaboré depuis le début des années 2000 de façon étroite avec le LPC2E d’Orléans (qui dispose d’un spectromètre de masse dont les caractéristiques sont voisines de celles de l’instrument de vol), et le MPS de Goettingen (laboratoire du PI de COSIMA où se trouve un modèle sol de l’instrument identique à celui embarqué sur ROSETTA) afin de réaliser des spectres de calibrations concernant la matière organique telle qu’elle pourrait être mesurée avec COSIMA. Lors de la phase d’exploration de la comète nous avons été très fortement impliqués dans les opérations d’analyse de l’instrument et dans l’exploitation des résultats. Nous avons contribué à l’interprétation des spectres de masses et nous nous sommes prioritairement intéressés à la caractérisation de la matière organique contenue dans les particules cométaires collectées.

 


Actuellement, en Juin 2024, nous continuons encore à décrypter la composition cométaire à l’aide des données qui restent encore en grande partie sous-exploitées. Nous avons pu détecter la présence d’une composante organique de haut poids moléculaire qui représente environ 50% de la masse de des particules de la comète, dont nous avons caractérisé sa composition (rapports N/C, H/C…). Nous cherchons aussi à mesurer la diversité de composition des particules les unes par rapport aux autres afin de construire un scénario cohérent concernant leur formation et leurs potentiels héritages interstellaires et/ou protoplanétaires.

 

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A gauche : spectres de masses mesurés sur trois particules collectées et analysées par COSIMA. A droite composition élémentaire moyenne des particules de la comète 67P, comparée à celles des comètes 1P/Halley et 81P/Wild 2. Ces compositions sont doublement normalisées au fer et à l’abondance des éléments dans les chondrites carbonées de type CI. L’abondance de carbone et de matière organique est environ 10 fois supérieure dans les particules de la comète 67P que dans les chondrites. Figures extraites de Bardyn et al 2017.

 

Pour en savoir plus : https://www.mps.mpg.de/en/rosetta/cosima

 

 
Principales publications du LISA à ce sujet :
 

- Bardyn, A., Baklouti, D., Cottin, H., Fray, N., Briois, C., Paquette, J., Stenzel, O., Engrand, C., Fischer, H., Hornung, K., Isnard, R., Langevin, Y., Lehto, H., Le Roy, L., Ligier, N., Merouane, S., Modica, P., Orthous-Daunay, F.-R., Rynö, J., Schulz, R., Silén, J., Thirkell, L., Varmuza, K., Zaprudin, B., Kissel, J. and Hilchenbach, M. (2017) Carbon-rich dust in comet 67P/Churyumov-Gerasimenko measured by COSIMA/Rosetta. Month. Not. Roy. Astr. Soc. 469, S712-S722.
- Fray, N., Bardyn, A., Cottin, H., Baklouti, D., Briois, C., Engrand, C., Fischer, H., Hornung, K., Isnard, R., Langevin, Y., Lehto, H., Le Roy, L., Mellado, E.M., Merouane, S., Modica, P., Orthous-Daunay, F.-R., Paquette, J., Rynö, J., Schulz, R., Silén, J., Siljeström, S., Stenzel, O., Thirkell, L., Varmuza, K., Zaprudin, B., Kissel, J. and Hilchenbach, M. (2017) Nitrogen-to-carbon atomic ratio measured by COSIMA in the particles of comet 67P/Churyumov–Gerasimenko. Month. Not. Roy. Astr. Soc. 469, S506-S516.
- Isnard, R., Bardyn, A., Fray, N., Briois, C., Cottin, H., Paquette, J., Stenzel, O., Alexander, C., Baklouti, D., Engrand, C., Orthous-Daunay, F.-R., Siljeström, S., Varmuza, K. and Hilchenbach, M. (2019) H/C elemental ratio of the refractory organic matter in cometary particles of 67P/Churyumov-Gerasimenko. Astron. Astophys. 630, A27.
- Sansberro, I., Fray, N., Cottin, H., Baklouti, D., Bardyn, A., Briois, C., Engrand, C., Paquette, J., Silén, J., Stenzel, O.J. and Hilchenbach, M. (2022) Variability in the elemental composition of the dust particles of 67P/Churyumov-Gerasimenko, 44th COSPAR Scientific Assembly.