RedDust

 

Le projet RED-DUST vise le développement des parametérisations déterministes des propriétés optiques spectrales des aérosols pour la modélisation radiative et la télédétection depuis l’espace.


Il est rendu possible par les caractéristiques intrinsèques de l’instrument CESAM (parc instrumental vaste et approprié, irradiation réaliste, humidité relative ajustable de 0 à 100%, longue durée de vie de l’aérosol).


RED-DUST a fait l’objet de développements métrologiques et méthodologiques significatifs:


•    un système de génération d’aérosols de poussières à partir de sols naturels de minéralogie différente par agitation mécanique, en conditions simulant celles à l’émission. Ceci est un point essentiel de la démarche. Une grosse partie de l’étude a donc été dédiée à la validation des conditions expérimentales en termes du réalisme de reproduction des propriétés physico-chimiques des aérosols désertiques telles qu’elles sont en nature. Le protocole développé permets en effet de générer des poussières dont la composition minéralogique et la distribution en taille, qui s’étends jusqu’à plusieurs dizaines de µm en diamètre, bien se comparent avec celles des poussières en conditions naturelles observées au cours de campagnes de terrain ;


•    un algorithme d’inversion optimisé pour obtenir les propriétés optiques (parties réelle et imaginaire de l’indice de réfraction; albedo de simple diffusion SSA) dans le domaines visible et infrarouge à partir des mesures des i) coefficients de diffusion et absorption à des longueurs d’onde discrètes dans le domaine visible par instrumentation ex situ (néphélométre et aethalometre) et ii) spectres d’extinction à haute résolution spectrale mesurées par le spectromètre infrarouge à transformées de Fourier (FTIR) in situ, à demeure sur CESAM, ayant un trajet optique de 192 m ;


•    l’accès à l’instrument MWAA, développé à l’Univ. de Gênes en Italie, permettant la mesure de la section efficace d’absorption  (absorption par unité de masse) à plusieurs longueurs d’onde dans le visible ;


•    la constitution d’un large banque de sols naturels (> 200 échantillons) représentant la variabilité minéralogique des zones sources globale.

 

Configuration schématique de CESAM pour RED-DUST. Le système de génération en bas à droite est indiqué. Différents instruments sont connecté en ligne sur la chambre pour mesurer les propriétés physico chimiques (distribution en taille, composition chimique par prélèvement sur filtre) et optique des aérosols en suspension dans CESAM.


Le projet RED-DUST a visé la détermination des propriétés optiques spectrales de poussières d’origine et donc de minéralogie différente.


La Figure ci-dessous montre la signature infrarouge mesurée par le spectromètre FTIR en ligne sur CESAM lors d’une injection de poussières d’origine Saharienne (Di Biagio et al., 2014b).

Spectres d’absorbance infrarouge mesurés in situ dans CESAM à trois moments d’une expérience : (i) au début de l’injection des poussières dans la chambre ; (ii) 20 minutes après injection ; et (iii) 50 minutes après injection. Les pics associés aux différents minéraux sont indiqué (adapté de Di Biagio et al., 2014b).

 


La présence de plusieurs bandes d’absorption entre 6 et 14 µm, associées aux différentes minéraux, ainsi que la déformation de la ligne de base représentant la diffusion du rayonnement au-dessous de 6 µm, sont évidentes. Depuis la mesure, les parties réelle et imaginaire de l’indice de réfraction dans le domaine infrarouge sont obtenues par inversion (Di Biagio et al., 2014b ; 2017a).


La variabilité temporelle des spectres infrarouges illustre un autre résultat marquant de ce travail. La dépendance spectrale de l'extinction mesurée ne se modifie pas avec le temps, alors que la distribution en taille change en raison de la perte de particules grossières par gravitation. Cela suggère que les proportions relatives des minéraux ne changent pas de façon significative avec le temps ou tout au moins que leurs modifications ne modifient pas la réponse optique globale des échantillons de poussière. En conséquence, l'indice de réfraction infrarouge restitué ne change pas, il peut donc être utilisé pour représenter les conditions de transport à de courte-moyenne distance. Cette constatation appuie la pratique courante dans les modèles de climat de traiter l’indice de réfraction comme constant au cours du transport. Cela implique aussi que, pour prédire l’indice de réfraction, les modèles devraient simplement reproduire la composition des poussières à la source, sans besoin de suivre son évolution au cours du transport, ce qui simplifie considérablement la représentation de la minéralogie de la poussière dans les modèles.


Ces données ont été validées par un nombre d’études en lien avec le projet ChArMex :

 
•    Meloni et al. (2018) ont montré que l'utilisation de l'indice de réfraction obtenu à partir des expériences CESAM pour un sol tunisien permet d'améliorer l'accord entre les irradiances infrarouge modélisées et mesurées par rapport à la simulation avec l'indice de réfraction de la base de données Propriétés optiques des aérosols et des nuages OPAC (Koepke et al., 2015). Cela signifie que les résultats des expériences de simulation en chambre sont bien mieux adaptés pour reproduire les propriétés optiques des poussières de cette région qu’un modèle d’aérosol plus générique. Ceci induit une différence allant jusqu'à ~ 50% dans l'estimation de l'effet radiatif direct (Figure ci-contre).

 

•    Liuzzi et al. (2017) ont montré que l'utilisation de l'indice de réfraction obtenu à partir des expériences CESAM pour des sols africains à minéralogie différentes permet de restituer l’origine de panaches de poussières transportées et détectées par IASI. Xu et al. (2017) et Banks et al. (2018) utilisent la base de données pour évaluer la capacité de CLARREO et SEVIRI à mesurer depuis l’espace les sources et les émissions de poussières.

 

(Gauche) Comparaison entre les profils verticaux mesurés (incertitude de ± 5%) et les profils verticaux modélisés par MODTRAN de l'irradiance infrarouge correspondant à un événement de poussière d'origine tunisienne en Méditerranée avec l'indice de réfraction des poussières provenant de l'OPAC (ligne verte) et de l'expérience CESAM pour la poussière tunisienne (ligne rouge). (Droite) Effet radiatif direct estimé avec les indices de réfraction OPAC et CESAM.


Dans la figure suivante, la synthèse des nouvelles données d’indice de réfraction infrarouge est comparée aux estimations publiées dans la littérature et utilisées par les modèles de climat.

 

 
Spectres illustrant la partie réelle (gauche) et imaginaire (droite) de l’indice de réfraction des poussières globales restitué par Di Biagio et al. (2017a) en comparaison avec les données de littérature utilisé dans les modèles climatiques et algorithmes de restitution satellitaire.

 

Les indices utilisés jusqu’à présent surestiment l’absorption et la diffusion du rayonnement et ne prennent pas en compte la variabilité régionale selon la minéralogie des zones sources. Cette nouvelle base de données permet donc d’améliorer de manière substantielle les estimations de modèles de climat. Nous améliorons aussi la résolution spectrale (2 cm-1). Les données peuvent donc être utilisées dans les inversions des capteurs satellitales à très haute résolution, i.e., IASI, mais aussi SEVIRI et CLARREO (Kluser et al., 2016 ; Liuzzi et al., 2017; Xu et al. 2017 ; Banks et al., 2018).


Le projet RED-DUST a également apporté des nouvelles données dans le domaine visible. Bien que plus étudiées que dans l’infrarouge, les propriétés optiques dans le visible sont également mal représentées dans les modèles, notamment en termes de dépendance spectrale aux longueurs d’onde inférieures à 500 nm, où par contre se trouvent les bandes d’absorption les plus intenses des oxydes de fer. Cette région spectrale est importante également pour la télédétection, qui se serve des différentes signatures spectrales pour détecter les épaisseurs optiques à attribuer aux aérosols carbonés (carbone suie, dit « black », ou organique, dit « brown ») et les poussières désertiques.  


Une étude originale a été possible grâce à la collaboration avec l’Université de Gênes, en Italie, ayant développé une technique d’analyse avancée à 5 longueurs d’onde (dont 370 et 450 nm) : l’instrument MWAA (MultiWavelength Absorbance Analyser). Pour la première fois, nous avons mesuré les efficacités d’absorption résolue spectralement en lien avec la teneur en oxyde de fer (Caponi et al., 2017). De manière inattendue, cette étude a montré néanmoins qu’il est possible de relier les efficacités d’absorption avec le contenu en fer, sans doser sa partition en oxyde. Des relations uniques peuvent être obtenues, et cela indépendamment de la classe de taille considérée.


Cette étude a aussi été l’occasion de formuler la première estimation de l’un des plus importants termes correctifs de la mesure classique de l’absorption par aethalometre : la correction pour la diffusion multiple (Di Biagio et al., 2017b).


Les résultats expérimentaux de RED-DUST sont maintenant inclus dans les nouvelles simulations de l'effet radiatif direct global du modèle LMDzOR-INCA de l‘IPSL utilisant le code de transfert radiatif RRTM.


Les données du projet RED-DUST sont disponibles dans les publications associées et dans la base de données Eurochamp-2020 hébergée par AERIS ( https://data.eurochamp.org/).

 

Contacts LISA :P. Formenti & C. Di Biagio


Financial support : LEFE-CHAT, LABEX IPSL, OSU-EFFLUVE, CNES


Partenaires
Y. Balkanski, S. Albani (Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement)
O. Boucher (Laboratoire de Meteorologie Dynamique)
B. D’Anna (Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon)
K. Kandler (Technische Universität Darmstadt, Allemagne)
Meinrat O. Andreae (max PLank Institute for Chemistry, Mainz, Allemagne)
D. Massabo’, P. Prati (Univ. Genes, Italie)
T. Saeed (Public Authority for Applied Education and Training, Al-Ardeya, Kuwait)
S. Piketh (North-West University, South Africa)
D. Seibert (Walden University, USA)
E. Williams (Massachusetts Institute of Technology, USA)

 

Publications
Garcia-Santos, V., E. Valor, C. Di Biagio, V. Caselles, Predictive power of the emissivity angular variation of soils in the thermal infrared (8–14 μm) region by two Mie-based emissivity theoretical models, IEEE Geosci. Rem. Sens. Lett., doi: 10.1109/LGRS.2018.2826446, 2018.
Meloni, D., di Sarra, A., Brogniez, G., Denjean, C., De Silvestri, L., Di Iorio, T., Formenti, P., Gómez-Amo, J. L., Gröbner, J., Kouremeti, N., Liuzzi, G., Mallet, M., Pace, G., and Sferlazzo, D. M.: Determining the infrared radiative effects of Saharan dust: a radiative transfer modelling study based on vertically resolved measurements at Lampedusa, Atmos. Chem. Phys., 18, 4377-4401, https://doi.org/10.5194/acp-18-4377-2018, 2018.
Di Biagio, C., P. Formenti, Y. Balkanski, L. Caponi, M. Cazaunau, E. Pangui, E. Journet, S. Nowak, S. Caquineau, M. O. Andreae,, K. Kandler, T. Saeed, S. Piketh, D. Seibert, E. Williams, and J.-F. Doussin, Global scale variability of the mineral dust longwave refractive index: a new dataset of in situ measurements for climate modelling and remote sensing, Atmos. Chem. Phys., 17, 1901-1929, doi:10.5194/acp-17-1901-2017, 2017a. (ACP/EGU highlight paper)
Di Biagio, C., Formenti, P., Cazaunau, M., Pangui, E., Marchand, N., and Doussin, J.-F.: Aethalometer multiple scattering correction Cref for mineral dust aerosols, Atmos. Meas. Tech., 10, 2923-2939, https://doi.org/10.5194/amt-10-2923-2017, 2017b.
Liuzzi, G., G. Masiello, C. Serio, D. Meloni, C. Di Biagio, and P. Formenti, Consistency of dimensional distributions and refractive indices of desert dust measured over Lampedusa with IASI radiances, Atmos. Meas. Tech., 10, 599-615, doi:10.5194/amt-10-599-2017, 2017.
Caponi, L., Formenti, P., Massabó, D., Di Biagio, C., Cazaunau, M., Pangui, E., Chevaillier, S., Landrot, G., Andreae, M. O., Kandler, K., Piketh, S., Saeed, T., Seibert, D., Williams, E., Balkanski, Y., Prati, P., and Doussin, J.-F.: Spectral- and size-resolved mass absorption efficiency of mineral dust aerosols in the shortwave: a simulation chamber study, Atmos. Chem. Phys., 17, 7175-7191, https://doi.org/10.5194/acp-17-7175-2017, 2017.
Klüser, L., C. Di Biagio, P. D. Kleiber, P. Formenti, and V. H. Grassian, Optical properties of non-spherical desert dust particles in the terrestrial infrared - an asymptotic approximation approach, J. Quant. Spectrosc. Rad. Transf., 178, 209-223, doi:10.1016/j.jqsrt.2015.11.020, 2016.
Di Biagio, C., P. Formenti, S. A. Styler, E. Pangui, and J.-F. Doussin: Laboratory chamber measurements of the longwave extinction spectra and complex refractive indices of African and Asian mineral dusts, Geophys. Res. Lett., 41, 6289-6297, doi:10.1002/2014GL060213, 2014.