Une équipe du LISA lauréate du Prix La Recherche 2014 - Environnement

Cuesta 2014 visuel

 


 

Juan Cuesta est lauréat du prix La Recherche 2014 dans la catégorie environnement, avec l'ensemble des signataires, pour la publication de travaux de recherche dans le prestigieux journal « Atmospheric Chemistry and Physics » le 2 octobre 2013. Ces recherches concernent une première mondiale, l'observation de panaches d'ozone dans la très basse troposphère à partir de données satellitaires. Rencontre avec Juan Cuesta.


 

 


Prix La Recherche 2014 - Environnement par maglarecherche

 

Pouvez-vous présenter brièvement votre parcours professionnel ?

 
Après un doctorat de l'Ecole Polytechnique sur la physique de l'atmosphère et la pollution par les particules, j'ai rejoint l'UPEC en 2011 sur un poste de Maître de Conférences en physique. J'ai été recruté sur une chaire d'excellence UPEC-CNES, l'agence française de l'espace, et j'effectue mes recherches au Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques, le LISA. Je suis également titulaire d'un diplôme d'ingénieur, obtenu en Argentine, pays où je suis né.

 

Comment décririez-vous vos recherches pour un public de non spécialistes ?

 
Mon travail de recherche porte sur l'utilisation des observations faites par satellite depuis l'espace pour cartographier de manière la plus précise et fine possible la pollution atmosphérique, et notamment celle associée à deux polluants majeurs : l'ozone troposphérique et les particules. Ce sont mes travaux sur l'ozone qui ont été récompensés par ce prix.1


Pour simplifier, je dirai que l'on peut distinguer l'ozone qui se situe au niveau de la stratosphère, c'est-à-dire entre 15 et 45 km d'altitude, et qui nous protège des rayonnements ultra-violets, de l'ozone qui se situe dans la troposphère, c'est-à-dire entre la surface de la terre et les premiers kilomètres d'altitude, et qui va avoir un impact négatif sur la santé (les voies respiratoires en particulier) et sur de nombreux écosystèmes.


L'ozone de la troposphère a deux sources principales : des gaz précurseurs (des émissions anthropiques, comme l'automobile en particulier, ou des émissions naturelles, de monoxyde de carbone, de composés organiques volatils ou d'oxydes d'azote) qui, par des réactions chimiques dans l'atmosphère, produisent cette ozone, ou des descentes d'air depuis la stratosphère.

 

Qu'avez-vous mis en évidence ?


Pour la première fois, au niveau mondial, grâce à une nouvelle méthode reposant sur la synergie des mesures de deux sondeurs, (l'instrument IASI pour l'infrarouge et GOME-2 pour l'ultraviolet, tous deux à bord d'un satellite METOP), des panaches d'ozone situés dans la très basse troposphère (au-dessous de 3 km d'altitude) ont pu être observés et leur contenu en ozone estimé à l'aide uniquement de données spatiales.


Cette avancée majeure va permettre d'améliorer la caractérisation et la prévision de la qualité de l'air aux échelles régionale, continentale et globale. Nous allons pouvons savoir, en combinant ces nouvelles observations avec des modèles numériques, comment évolue et se déplace l'ozone dans les basses couches de la troposphère.


Pour mes travaux, j'ai bénéficié des premières recherches sur le sujet conduites au LISA depuis 2008 : une première méthode avait été développée, qui servait à voir l'ozone jusqu'à 3 ou 4 km d'altitude, grâce à l'instrument satellitaire IASI. J'ai pu utiliser deux instruments simultanément -IASI et GOME-2- et ai réussi par ce biais à obtenir des informations sur l'ozone jusqu'à 2 km d'altitude seulement. C'est une avancée capitale, car durant l'été, les polluants « s'accumulent » dans ces deux premiers kilomètres, et de là peuvent faire le tour du monde !

 

Pourquoi selon vous ces travaux sont-ils ainsi récompensés par ce prix La Recherche ?

 

Il y a à mon avis deux explications principales.


D'une part, ce prix traduit un intérêt sociétal apporté à ces recherches, et pas seulement un intérêt scientifique. D'autre part, il s'agit à la fois d'une première mondiale et par ailleurs la qualité de l'air est considérée comme une problématique majeure et la recherche sur ce thème est encouragée.

 

Dans quelles directions allez-vous prolonger vos travaux de recherche ?

 

Je vais poursuivre de trois manières.


Je travaille à découvrir de nouvelles caractéristiques de la pollution à l'ozone sur les régions les plus polluées du globe, comme c'est le cas de l'Asie de l'Est. En particulier, je m'attache à analyser l'impact régional de cette pollution et voir comment elle est transportée ailleurs. Ce travail est conduit en collaboration avec des équipes japonaises (JAMSTEC).


Parallèlement, les observations d'ozone issues de la nouvelle méthode seront produites massivement chaque jour sur tout le globe dans un centre de calcul et d'analyse de données du CNES-CNRS/INSU dénommé ETHER, pour une utilisation au niveau mondial.


Enfin, ces données auront vocation à être utilisées ensuite par des services opérationnels de prévision de la qualité de l'air comme AIRPARIF en France, ou COPERNICUS au niveau européen. Ces études contribueront aux analyses multidisciplinaires de longue durée qui pourront servir ensuite aux autorités sanitaires et aux politiques pour déterminer des mesures à prendre pour protéger les populations de ces pollutions.

 

Quelles retombées attendez-vous de ce prix ?

 

Ce prix peut contribuer à accroître la notoriété des travaux de recherche conduits auprès d'un public plus vaste que celui de mes pairs.


Nos travaux, mondialement connus du fait de la publication scientifique sur laquelle ils ont débouché en octobre 2013 et de l'écho ainsi rencontré auprès du « grand public » par ce prix, bénéficient d'un soutien financier, fortement concrétisé par l'UPEC et le CNES, et avec des contributions du CNRS/INSU, sous forme de ma chaire d'excellence, de post doc ou de matériel.


Les besoins en matériel notamment sont très importants, d'autant plus que les perspectives sont prometteuses. Par exemple, METOP A, le satellite qui combine les deux instruments sondeurs IASI et GOME-2, a été lancé en 2007. METOP B date de 2012 et METOP C devrait voir le jour en 2017 normalement. Ils nous permettront de disposer d'une longue série d'analyse de la même donnée, ce qui est extrêmement précieux. Dans les années 2020, une nouvelle génération de METOP devrait voir le jour (EPS-SG) et offrir plus de performances encore. Nos recherches continuent !

 

(1)Il a donné lieu en 2013 à une publication scientifique intitulée « Satellite observation of lowermost tropospheric ozone by multispectral synergism of IASI thermal infrared and GOME-2 ultraviolet measurements over Europe" dans « Atmospheric Chemistry and Physics ».

 

 

Cuesta 2014 visuel

 

portrait cuesta

 

Pour en savoir plus

 

http://www.lisa.u-pec.fr/fr Le LISA UMR CNRS 7583, est une unité mixte des universités Paris Est Créteil, Paris Diderot et du CNRS. Ses principaux thèmes de recherche portent sur la compréhension du fonctionnement des atmosphères terrestres et planétaires, et des impacts liés à la modification de la composition de l'atmosphère par les activités humaines.

La méthode inédite présentée ici a été développée par Juan Cuesta et ses collègues chercheurs du Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques (LISA/IPSL, CNRS / UPEC / Université Paris Diderot), en collaboration avec le Harvard-Smithsonian center for astrophysics (États-Unis), le Karlsruhe Institut für Technologie (Allemagne) et de la Chinese academy of sciences (Chine).

 

Source : Cuesta, J., Eremenko, M., Liu, X., Dufour, G., Cai, Z., Höpfner, M., von Clarmann, T., Sellitto, P., Foret, G., Gaubert, B., Beekmann, M., Orphal, J., Chance, K., Spurr, R., and Flaud, J.-M., Satellite observation of lowermost tropospheric ozone by multispectral synergism of IASI thermal infrared and GOME-2 ultraviolet measurements over Europe, Atmos. Chem. Phys., 13, 9675-9693, doi:10.5194/acp-13-9675-2013, 2013.


http://www.atmos-chem-phys.net/13/9675/2013/acp-13-9675-2013.html


http://www.leprixlarecherche.com/ Le prix de La recherche a été créé il y a 11 ans par le magazine du même nom, pour mettre en lumière des travaux scientifiques au carrefour des disciplines scientifiques et technologiques. Il récompense onze équipes dans les domaines suivants : archéologie, astrophysique, biologie, chimie, environnement, mathématiques, santé, neurosciences, physique, sciences de l'information, technologie. Un prix spécial du jury est également décerné.