AMMA

Contact LISA : B. Marticorena

PI : J-L. Redelsperger (CNRM) , Thierry Lebel (LTHE)

AMMA (Analyse Multidisciplinaire de la Mousson Africaine) est un programme de recherche international, d’initiative française, qui vise à étudier la mousson africaine et sa variabilité, de l’échelle journalière à l’échelle saisonnière ainsi que ses conséquences sur la dynamique, l’hydrologie et la composition de l’atmosphère. Un volet est également dédié à l’étude des impacts de la variabilité de la mousson africaine en termes de ressources en eau, de sécurité alimentaire et de situation sanitaire. (http://www.amma-international.org/spip.php?rubrique2).

Structuré autour d’un comité de pilotage international, le programme a été financé par la CEE (Projet Intégré AMMA-EU ; 2005-2009) et les organismes de recherche français au travers d’une Action Programmée Interorganismes (API AMMA-France). Il est actuellement soutenu par les programmes de recherche nationaux (ECCO ; LEFE ; ORE ; CORUS).

Le LISA s’est fortement investi dans le volet « Chimie et Aérosols » de ce programme.

Aérosols désertiques :

Un problème majeur en Afrique sahélienne est d’évaluer quantitativement les émissions de poussières sous l’action du vent, leur modulation par les facteurs météorologiques (vitesse de vent et précipitation), mais également par la dynamique de la végétation et l’évolution des activités anthropiques.

En Afrique de l’ouest, l’émission d’aérosols désertiques est principalement liée aux vents forts associés au passage de systèmes convectifs de méso-échelle, en début de saison des pluies sur les surfaces cultivées mises à nues pour les semis. Même si ils sont de courte durée, ces événements sont très intenses et conduisent à la formation de véritables « murs » de poussières dans l’atmosphère (photo 1). Cependant, le passage de ces systèmes convectifs est le plus souvent accompagné de précipitations ce qui conduit à un lessivage des aérosols produits localement. Une des questions est alors de savoir si ces événements sont réellement une source importante d’aérosols transportables à grande distance. De plus, les précipitations permettent la croissance d’une végétation saisonnière, naturelle ou non, qui inhibent progressivement l’érosion éolienne. L’influence du couvert végétal des surfaces naturelles ou mises en culture sur les émissions d’aérosols désertiques est donc un élément critique pour estimer les émissions sahéliennes et leur évolution depuis la dernière période de sécheresse (années 70-80) et dans un contexte de réchauffement global et d’accroissement de la population.

Par ailleurs, pendant la saison sèche, si la zone sahélienne n’est pas émettrice de poussières, elle demeure soumise à de forts niveaux d’empoussièrement liés aux transports d’aérosols désertiques depuis des sources situées au Sahara. L’évaluation de l’effet radiatif direct des aérosols désertiques dans cette région impose donc de déterminer non seulement les propriétés optiques des aérosols sahéliens mais également celles des aérosols sahariens. En effet, les propriétés physico-chimiques, et notamment optiques, des aérosols produits en zone sahélienne, diffèrent notablement de celles des aérosols sahariens. En particulier, les aérosols sahéliens étant plus riches en oxydes de fer que leurs homologues sahariens, ils sont susceptibles d’absorber plus efficacement le rayonnement tellurique infrarouge, et donc d’induire un effet de réchauffement des masses d’air dans lesquelles ils sont transportés.

Enfin, les aérosols produits sur l’ensemble de la région Sahara-Sahel sont transportés à très grande distance sur l’Atlantique nord tropical, où leur dépôt est susceptible de contribuer notablement à l’apport en nutriments pour la biosphère océanique. Des différences en termes de contenu en fer, phosphore et silicium dans les aérosols et en termes de solubilité sont attendues selon l’origine de ces aérosols minéraux. Par ailleurs, la présence de composés organiques apportés par le flux de mousson apparaît également comme un facteur déterminant de la solubilité de ces aérosols en saison humide.

Afin d’aborder ces questions, une stratégie combinant mesures de terrain et modélisation numérique a été développée, avec le déploiement d’un super-site au sol (Banizoumbou, Niger), de dispositifs de mesure aéroportés dédiés (AVIRAD), de mesures à long-terme (Sahelian Dust Transect), et la mise en œuvre d’outils de modélisation spécifiques (CHIMERE-Dust ; RAMS ; modèle de végétation STEP) alimentés, testés et/ou validés à l’échelle régionale à l’aide de produits de télédétection.

Exemple d’émissions de poussières par un système convectif à Banizoumbou (Niger)


Suivi de l’érosion éolienne sur deux parcelles, l’une nue (PA) et l’autre cultivée de façon traditionnelle (PB), au moyen de « pièges à sable » ( photo haut gauche et points jaunes sur la photo de droite) et d’un « saltiphone » (photo bas gauche) détectant l’impact des grains de sable en mouvement.

Dispositif instrumental déployé sur le super-site de Banizoumbou pour mesurer les propriétés physico-chimiques des aérosols (Niger) : un container a été enterré dont émerge le collecteur isocinétique de particules (PIP) relié aux différents instruments installés dans le container.

Collecte des précipitations après le passage d’un système convectif sur le super-site de Banizoumbou (Niger) : le prélèvement se fait de façon séquentielle au cours de l’évènement pluvieux, les particules prélevées par filtration des échantillons de pluie montrent une diminution très nette de la charge en aérosols au cours de l’événement.

Chimie :

Les régions tropicales jouent un rôle clé sur l’évolution de la composition chimique de la troposphère, puisque la majeure part de la capacité oxydante (déterminée surtout par les teneurs en ozone et en radicaux OH) de la troposphère y est concentrée, avec des répercussions importantes sur le temps de vie de gaz à effet de serre comme le méthane. Ces régions sont soumises aux sources, anthropiques et naturelles, de précurseurs gazeux (NOx, COV) des photooxydants. Le développement de systèmes convectifs en période de mousson permet le transport rapide de ces précurseurs, depuis la surface jusqu’à la haute troposphère.

L’impact réel de ces espèces sur la capacité oxydante de la moyenne et haute atmosphère est encore mal évalué dans ces régions, par méconnaissance des processus chimiques et de transport impliqués. Une caractérisation détaillée des espèces d’intérêt atmosphérique, accompagné de mesures dynamiques est donc nécessaire pour appréhender l’effet de la convection sur ce bilan des photooxydants.

Aussi, un ensemble des données physico?chimiques a été recueilli pendant la période d’observations intensives de la campagne AMMA en été 2006, et en particulier, des observations aéroportées (O3, NOx, NOy, COVs et du H2O2) ont été mises en œuvre par le LISA sur les avions de recherche français (ATR-42 et Falcon). En complément, des approches de modélisation déterministes 0D et statistiques appliquées aux situations pré et post-convectives échantillonnées ont été utilisées afin de déterminer l’origine primaire et/ou secondaire des composés et de quantifier la contribution de la convection (comparativement au transport à longue distance) sur les niveaux de concentrations observés.

Vue de l’ATR-42 à bord duquel des mesures chimiques et d’aérosols ont été mises en œuvre par le LISA