Outils expérimentaux, théoriques et méthodes d’observation atmosphérique du thème « spectroscopie et télédétection »

La spectroscopie moléculaire en phase gazeuse et ses applications au sondage optique de divers milieux sont aujourd’hui l’objet d’enjeux essentiels. Ces deux axes de recherche sont en effet couplés car la détermination des caractéristiques des atmosphères y compris le milieu interstellaire, se fait très souvent par télédétection. En fait les études atmosphériques font appel à l’observation des atmosphéres depuis l’espace et le sol, à l’expérimentation et à la modélisation théorique en laboratoire. Cette synergie, base de notre démarche scientifique est réalisée grâce à des outils souvent développés dans la thématique. Ces outils sont: 

Outils expérimentaux

Notre parc instrumental est très importanten train de fortement s’agrandir. En effet, nous sommes un des seuls laboratoires de France à posséder des instruments spectroscopiques de très grande précision couvrant un très large domaine spectral allant des microondes, à l’UV lointain en passant par l’infrarouge. Des études expérimentales pour comprendre les effets de pression et de température dans les spectres des molécules sont menées en utilisant les techniques par transformée de Fourier et diode laser accordable. En outre nous exploitons le Rayonnement Synchrotron comme source de lumière pour la spectroscopie d’absorption dans l’infrarouge lointain à haute résolution et pour la spectroscopie photoélectronique et photoionique dans le VUV. L’objectif est de produire des données de qualité (positions, intensités et paramètres caractérisant les effets de la pression sur le profil des raies) pour l’analyse et la modélisation des spectres atmosphériques:

 

Spectroscopie microonde (MO):ensemble instrumental pour l’enregistrement des spectres de rotation pure des molécules d’intérêt atmosphérique, astrophysique mais aussi biologique, présentant souvent un ou plusieurs mouvement(s) de grande amplitude: On citera le spectromètre « SMALL CAVITY » par transformée de Fourier couplé à un jet moléculaire (température rotationnelle ≈ 10 K) dans le domaine MO (26.5 - 40 GHz) associant une cuve adaptée et permettant une résolution de 2 kHz.

 

Spectroscopie infrarouge (IR):ensemble instrumental pour l’enregistrement des spectres de vibration-rotation classique et de torsion de molécules d’intérêt pour les atmosphères terrestre et planétaires: interféromètre haute résolution par transformée de Fourier (résolution 0.0019 cm-1 et domaine spectral 650-25000 cm-1) couplé à différentes cellules d’absorption simple passage (5.1 cm, 12.4 cm,…) ou multipasssage (0.8 – 8 m, 3.2 – 40 m)

fonctionnant à température ambiante. Par ailleurs durant ces dernières années nous avons développé en collaboration avec la ligne AILES du Synchrotron SOLEIL des cellules d’absorption à réflexions multiples spécifiques :

$1-       cellule cryogénique (80-400 K) à réflexions multiples (3-141 m) adaptée à l’IR moyen et lointain et incluant une jauge cryogénique dans la gamme sub-millibar ;

$1-       cellule en verre et téflon pour l’observation des gaz réactifs et corrosifs, refroidissable par évaporation de l’azote liquide jusqu’à 200 K et permettant un parcours optique ajustable entre 2.8 et 42 m.

Ces développements récents ont ouvert la voie à des mesures dans des conditions proches des environnements géophysiques et ont permis (1) l’étude de systèmes moléculaires complexes en réduisant, grâce à la basse température, la densité des raies, (2) la mesure de la variation des coefficients d’élargissement des raies en fonction de la température et la pression, indispensable pour l’analyse des spectres atmosphériques et (3) la mesure de sections efficaces d’absorption en fonction de la température pour des molécules lourdes (lorsque l’approche raie par raie des intensités est impossible).

 

Spectroscopie ultraviolet (UV): ensemble instrumental pour l’enregistrement des spectres électroniques des molécules d’intérêt astrophysique et biologique: spectromètre UV dans le domaine spectral 30-250 nm avec une résolution typique de 0.1 nm. Ce dispositif est adapté à l’analyse spectrale et à la détermination en fonction de la température des sections efficaces d’absorption et d’ionisation absolues, données d’entrée essentielles pour les modèles physico-chimiques de divers objets astrophysiques.

 

Spectroscopie diode laser accordable:ensemble instrumental pour la mesure ultra-précise des intensités et profils de raies des gaz à effet de serre tels que CO2 et CH4. Les missions satellitaires ont en effet établi de très fortes exigences quant à la précision des rapports de mélange restitués de ces gaz à effet de serre (meilleure que à 1%). Nous avons mis au point :

deux lasers à cavités externes autour de 0.82 et 1.6 μm (résolution de 1 MHz) permettant un rapport Signal sur Bruit (S/B) très élevé (supérieur ou égal à 1000)avec couplage à une nouvelle cellule multipassages à température variable (200 - 373 K)

 

Rayonnement synchrotron (RS) dans l’infrarouge lointain et l’ultraviolet du vide (VUV):les chercheurs de la thématique sont aussi impliqués dans l’exploitation du RS de SOLEIL (lignes AILES dans l’infrarouge lointain et DESIRS dans le VUV). Le RS présente en effet l’avantage, par rapport aux sources classiques de laboratoire, d’offrir une très grande brillance et accordabilité. Dans l’infrarouge lointain (10-650 cm-1) et à haute résolution (0.001 cm-1), l’utilisation du RS présente un avantage essentiel en terme de gain en rapport S/B. En effet un spectre enregistré à résolution maximale autour de 100 cm-1 pendant 24 h en utilisant le RS à résolution maximale aurait nécessité plusieurs mois d’acquisition avec une source classique, ce qui n’est évidemment pas compatible avec le maintien de conditions expérimentales stables.

Notons que l’infrarouge lointain permet d’étudier les vibrations de basse énergie (observées pour des molécules lourdes telles que : C3H8, ClNO2, ClONO2, Cl2CO, BrONO2,…) et que l’analyse de celles-ci est indispensable pour une modélisation précise des bandes chaudes observées dans la région infrarouge moyen où ces molécules sont détectées et modélisées. Dans le VUV, nous avons étudié grâce au RS de la ligne DESIRS des molécules d’intérêt astrophysique (C4N2, HC3N, CH3C(O)CN, H2NCH2CN,…), essentiellement par spectroscopie photoélectronique et photoionique permettent d’explorer les voies d’ionisation dissociative et d’en déterminer les rapports de branchements.

Outils théoriques

L’analyse des spectres de rotation pure, de rotation-vibration et de rotation-torsion, leur modélisation théorique et leur simulation constituent une spécificité des activités spectroscopiques de notre thème. Cette activité englobe la mise au point de modèles théoriques et de logiciels de calcul destinés à reproduire à la précision expérimentale les niveaux d’énergie et les intensités des raies moléculaires. Ces logiciels spécifiques au type de systèmes moléculaires sont écrits par les chercheurs eux-mêmes pour répondre aux besoins d’analyse de spectres atmosphériques et astrophysiques. Par ailleurs, les méthodes ab initio ont pris de l’importance dans notre thème de recherche complétant ainsi les méthodes dites « effectives ». Les données spectroscopiques obtenues pour les molécules étudiées alimentent les basses de données (HITRAN (USA), GEISA (France),…) largement utilisées par la communauté scientifique:

 

Les codes de vibration – rotation toupies asymétrique et symétrique: codes de calculs qui permettent de modéliser les positions et intensités des raies pour les molécules semi-rigides de type toupie asymétrique (possédant trois moments d’inertie différents) ou toupies symétriques (avec deux moments d’inertie identiques). Les méthodes théoriques employées prennent en compte efficacement suivant les cas, la structure hyperfine, l’interaction entre le spin électronique et la rotation de la molécule, les interactions de vibration – rotation, et lorsque c’est nécessaire, les effets de grande amplitude.

 

BELGI codes:codes écrits pour le calcul et analyse de spectres de rotation pure (microonde), de rotation-torsion (infrarouge lointain) et de rotation-vibration (infrarouge) pour des molécules contenant un ou plusieurs mouvements de grande amplitude et en particulier la rotation interne d’un ou de deux groupes méthyles –CH3 empêchée par une barrière de torsion.

 

XIAM code:programme de rotation utilisé pour traiter jusqu’à trois rotateurs internes symétriques et un noyau quadripolaire.

 

Méthodes/codes de chimie quantique:nous utilisons des méthodes ab initio pour décrire la structure électronique moléculaire. Ces méthodes sont basées sur l’utilisation de la fonction d’onde électronique (théorie des perturbations, interaction de configurations, méthode des clusters couplés,…), ainsi que sur l’utilisation de la densité électronique (théorie de la fonctionnelle de la densité). Les trois packages de codes suivants sont utilisés à cet effet: GAUSSIAN (M.J. Frisch et al., Gaussian, Inc., Wallingford CT, Revision D.01, 2004), ACESII (J.F. Stanton et al., Int. J. Quant. Chem. Symp. 26,879–894, 1992) et MOLPRO (H.-J. Werner et al., J. Chem. Phys. 112, 3106–3107, 2000).

Méthodes d’observation atmosphériques

Les spectres atmosphériques obtenus par satellite ou depuis le sol sont analysés en développant des méthodes d’inversion innovantes :

 

PROFFIT: pour la restitution des profils verticaux de concentration d’espèces atmosphériques terrestres et le suivi de leur évolution temporelle , avec l’observatoire OASIS (Observations Atmosphériques par Spectroscopie Infrarouge Solaire).

 

KOPRA (IR), VLIDORT (UV-Vis) et KOPRA + VLIDORT (couplage multispectral à 3 bandes UV+Vis+IR): codes de transfert radiatif pour la simulation des spectres atmosphériques mesurés par IASI dans l’infrarouge et GOME-2 dans l’ultraviolet-visible. Afin de restituer la distribution 3D des polluants atmosphériques, nous avons mis au point deux codes de transfert radiatifs basés sur KOPRA dans l’infrarouge et VLIDORT dans l’ultraviolet-visible ainsi que leur couplage multispectral KOPRA+VLIDORT. Dans ces programmes, nous avons mis en place l’impact des espèces atmosphériques (absorption et diffusion), de la surface, les réponses instrumentales et la méthode d’inversion pour l’ajustement par rapport aux mesures.