Il y avait une fois, une jeune fille qui vivait seule avec sa mère
dans une pauvre ferme non loin de là. Elles avaient uniquement deux
chèvres et chaque matin la fillette les emmenait dans une clairière
des bois pour qu’elles y broutent. Un morceau de pain pour toute nourriture,
elle devait filer du lin tout en surveillant les bêtes. La vie était
dure, mais la petite Maria toujours heureuse. Elle chantait et dansait
sur le chemin, elle chantait toute la journée en travaillant et
rapportait le soir à sa mère un fuseau rempli de fil de lin.
Un jour, tandis qu’elle était à filer et chanter une
femme magnifique sortit de la forêt :
- Aimes-tu danser Maria ? lui demanda-t-elle.
- Je pourrais danser tout au long du jour !
- Viens donc avec moi et je t’apprendrai...
Les oiseaux de la forêt se mirent alors à chanter sur
les accords que soufflait le vent dans les branches... Elles dansèrent,
dansèrent, dansèrent ; mais quand le soleil se coucha Maria
réalisa que son fuseau n’était qu’à moitié
rempli...
- Es-tu malade, lui demanda sa mère ?
- Je te promets de remplir le fuseau demain...
Le lendemain, sur le chemin, elle ne dansait ni ne chantait plus.
- Aujourd’hui il n’est pas question que j’accompagne cette drôle
de femme, s’était-elle promis !
Elle fila toute la matinée, mais lorsque le soleil darda sur
elle ses rayons au zénith, la dame apparu pour l’inviter à
nouveau :
- Je ne peux pas, répondit la fillette, j’ai beaucoup de travail.
- Ne t’inquiète donc pas pour ça...
Et elles dansèrent, dansèrent, dansèrent...
A la tombée du jour Maria s’effondra en larmes voyant que son
fuseau n’était pas plus avancé que la veille.
Alors la femme murmura quelques paroles et en un clignement d’œil tout
fut comme si Maria avait travaillé durant la journée toute
entière.
- Tisse mais jamais ne jure, lui dit-elle en tendant le fuseau. N’oublie
pas, tisse mais jamais ne jure...
Le lendemain la petite chantait et dansait à nouveau tout en
cheminant avec ses deux chèvres vers la clairière. A midi
la femme vint et les oiseaux chantèrent, le vent souffla les accords...
Et elles dansèrent.
Le soir, Maria reçut un petit coffret de bois.
- Ne regarde pas ce qui est à l’intérieur avant d’être
rentrée chez toi...
Mais bien sûr, en cours de route Maria ouvrit la boite et la
trouva pleine de glands de chênes. De dépit, elle en jeta
une poignée sur le sol et rentra chez elle.
Sa mère l’attendait sur le pas de la porte :
- Où as tu trouvé le fuseau d’hier ? J’ai tissé
toute la matinée mais j’avais beau tirer sur le fil, la pelote ne
désemplissait pas ! J’ai fini par jurer et voilà que tout
à coup le fuseau a disparu... Il y a derrière ceci quelque
sorcellerie !
Maria fut donc bien obligée de tout avouer à sa mère.
La danse, la femme merveilleuse...
- Tu as rencontré la fée des bois, dit sa mère.
Elle vient parfois danser avec les jeunes filles. Par contre, si elle rencontre
un homme elle l’entraîne au plus profond de la forêt et on
ne le revoit jamais...
Maria lui montra le coffret et lorsqu’elles l’ouvrirent elles constatèrent
que les glands restant étaient en or...
- Heureusement que tu n’as pas tout jeté !
Le lendemain, la mère et la fille allèrent à l’endroit
où Maria avait jeté les glands. Mais elles ne découvrirent
rien d’autre que trois nouveaux splendides chênes qui avaient poussé
là pendant la nuit. Ces trois chênes que l’on peut toujours
voir non loin de là...
Maria ne rencontra plus jamais la fée des bois. Sa mère
acheta une nouvelle ferme et la jeune fille continua à danser et
chanter tout au long des jours.